Abidjan a été le théâtre d’un événement majeur pour le continent africain le 29 mai 2025 : l’élection du nouveau président de la Banque africaine de développement (BAD). Après un processus électoral intense et une concurrence acharnée entre cinq candidats de haut calibre, c’est finalement le Mauritanien Sidi Ould Tah qui a été plébiscité pour succéder au Nigérian Akinwumi Adesina, dont le deuxième mandat s’achève le 1er septembre 2025.Une Course à Cinq Candidats : Un Gage de Vitalité DémocratiqueL’élection à la tête de la BAD est toujours un moment crucial, reflétant les dynamiques géopolitiques et économiques du continent. Cette année, la compétition a été particulièrement relevée, avec pas moins de cinq personnalités africaines de renom en lice. Chacun de ces candidats apportait une expérience et une vision uniques pour l’avenir de l’institution.Sidi Ould Tah (Mauritanie) : Ancien ministre de l’Économie et des Finances de Mauritanie, Sidi Ould Tah a présenté un profil de technocrate expérimenté, plaidant pour une « rupture avec les approches du passé » face aux « défis et opportunités de l’Afrique » qui ont pris une nouvelle dimension. Sa candidature a su rallier un large consensus.Amadou Hott (Sénégal) : Ex-ministre de l’Économie du Sénégal, Amadou Hott était un candidat solide, connaisseur des arcanes de la finance internationale et ayant exercé en tant qu’envoyé spécial du président de la BAD pour l’infrastructure verte. Il était perçu comme un héritier naturel de par son expérience au sein de l’institution.Samuel Munzele Maimbo (Zambie) : Fort de son expérience à la Banque mondiale, Samuel Maimbo, le candidat zambien, était un concurrent sérieux, capable de séduire les pays non régionaux et de bénéficier d’un soutien occidental important.Mahamat Abbas Tolli (Tchad) : Le Tchadien Mahamat Abbas Tolli a également apporté sa vision et son expertise à cette course présidentielle, défendant les intérêts de sa région et de l’Afrique centrale.Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud) : Seule femme candidate, l’Afrique du Sud avait misé sur Bajabulile Swazi Tshabalala, fine connaisseuse de l’institution et incarnant une forme de continuité avec la gestion du président sortant Akinwumi Adesina. Sa présence a souligné l’importance de la diversité dans les instances dirigeantes.La présence de ces cinq candidats a témoigné de la vitalité démocratique du processus de la BAD et de la richesse des compétences disponibles sur le continent.Les Clés du Succès de Sidi Ould Tah : Une Victoire Poussée par les Pays AfricainsL’élection s’est déroulée en plusieurs tours, révélant la complexité des alliances et des stratégies. Au final, Sidi Ould Tah a été élu au troisième tour avec un score impressionnant de 76,18% des voix, une véritable plébiscite. Plusieurs facteurs ont contribué à son succès :Le Soutien des Pays Africains (Votes Régionaux) : C’est un élément déterminant. Dès le premier tour, Sidi Ould Tah a su s’assurer un soutien massif des pays africains. Alors que son concurrent zambien, Samuel Maimbo, obtenait 40,41% des votes globaux, le Mauritanien raflait 47,03% des votes régionaux (ceux des pays africains). Cette avance s’est consolidée au deuxième tour, où il a obtenu 68,42% des voix régionales, confirmant une mobilisation forte du continent derrière sa candidature. Les pays africains ont clairement choisi « leur » candidat, traduisant une volonté de voir un leader issu de la région et ayant une compréhension profonde des défis locaux.Un Profil Solide et Expérimenté : Son parcours en tant qu’ancien ministre de l’Économie et des Finances de la Mauritanie lui confère une crédibilité et une connaissance approfondue des réalités économiques africaines. Il est également titulaire d’un doctorat en économie.Une Stratégie Diplomatique Efficace : La victoire de Sidi Ould Tah est aussi le fruit d’un travail diplomatique intense de la Mauritanie. Le fait que le président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, ait présidé l’Union africaine l’année précédente a sans doute créé un terrain fertile pour la candidature de Sidi Ould Tah, en positionnant la Mauritanie comme un acteur africain crédible et respecté. Des pays clés comme le Nigéria, l’Égypte, l’Algérie et le Maroc, qui comptent parmi les plus gros contributeurs africains, auraient voté pour le candidat mauritanien dès le premier tour, selon certaines sources.Un Discours Axé sur la Rupture et le Renouveau : Son appel à « rompre avec les approches du passé » a pu résonner auprès des gouverneurs, désireux de voir la BAD s’adapter aux nouveaux défis et opportunités du continent.L’élection de Sidi Ould Tah marque un nouveau chapitre pour la Banque africaine de développement. Sa prise de fonction le 1er septembre 2025 sera attendue avec des attentes élevées quant à sa capacité à consolider les acquis de son prédécesseur Akinwumi Adesina et à insuffler une nouvelle dynamique pour le développement durable et inclusif de l’Afrique.
Jean Pierre Ombolo

